Des bribes d'histoire

en cours de construction

Histoire de la réhabilitation du Château de Taurines

Préface de Daniel Crozes de l'ouvrage « A contresens de l'oubli »

Puiser ses origines dans le mot « Taurus » ne relève en rien du fortuit. Taurines a hérité incontestablement du caractère de l’antique taureau que ses habitants vénérèrent en d’autre temps.
Tout ici respire une force extraordinaire. Il fallait, en effet, une solidité à toute épreuve pour résister aux guerres de religion, à la Révolution de 1789, aux multiples dégradations du temps, et offrir encore au XXe siècle une façade Renaissance. En Rouergue, peu de châteaux des XVe et XVIe siècles ont surmonté ces fléaux. Seul, Bournazel se classe parmi les édifices représentatifs de cette époque. Il fallait aussi une détermination farouche et une opiniâtreté formidable pour vaincre l’inertie des mentalités et s’enhardir à redorer le blason du château de Taurines. En Ségala, à Saint-Clair-de-Verdun, une autre entreprise de restauration a rempli sa mission. Ces deux expériences s’inscrivent parmi les réussites éclatantes. Elles prouvent qu’un village, une association, une communauté peuvent se mobiliser autour d’un projet ambitieux associant animation et culture, réhabilitation architecturale et bénévolat.
Au cours de l’été 1981, combien étaient-ils à croire vraiment au réalisme de cette folle entreprise ? Une poignée. Mais quelle équipe ! L’avenir leur a finalement donné raison et il accréditera le bien-fondé de leurs efforts. Que serait devenu sans leur intervention cet imposant château de Taurines ?
Le royaume des chauves-souris, des rats et des chouettes avant de sombrer définitivement sur la pente de la ruine. Aujourd’hui, Taurines n’est plus en péril et les belles fenêtres à meneaux, rebâties par les Compagnons du Devoir, ne sont plus seulement les héritières des joyaux de la Renaissance Française du XVIe siècle. Elles sont aussi le symbole du renouveau.
Tout le monde a pris la truelle et la brouette. Personne n’a jeté le manche avant la cognée. Loin de se décourager devant la démesure des travaux qui ouvrent un chantier permanent de dix ou quinze ans, les habitants de Taurines ont su saisir une chance. Grâce à cette restauration, le village a appris à mieux se connaître et à ne pas s’ignorer. Il a retrouvé le sens de la veillée et de la convivialité. Désormais, les jeunes fêtent leurs anniversaires dans la salle voûté du château qui reçoit trois cents personnes le soir de la Saint-Sylvestre pour le traditionnel réveillon de fin d’année. En octobre 1987, sur la place de Taurines, tandis qu’il cherchait le bon angle pour ses caméras, Pierre de Lagarde, le père des « Chefs d’œuvres en péril », me confiait : « Un tel mouvement donne un sens à l’existence d’un village. Une restauration motive et donne une raison de vivre. Les vieilles pierres symbolisent aussi la création ».
Ici, la création est particulièrement mise en valeur. Loin de tomber dans un passéisme désuet, l’association pour l’animation du château de Taurines figure maintenant parmi les salles d’exposition qui comptent en Midi-Pyrénées. Ainsi, la culture y opère-t-elle une décentralisation complète.
Il reste beaucoup à faire pour rendre au château son lustre d’antan. Heureusement. La dynamique ainsi lancée pourra renouveler ses motivations et puiser dans de nouvelles énergies.
Dans cette optique, le sixième prix national du concours « Chefs d’œuvre en péril » constitue un précieux encouragement.
Taurines n’a jamais capitulé devant les difficultés, ni cédé à la facilité. Il est extraordinaire et enrichissant de rencontrer sur un même chantier le couvreur, l’électricien et l’instituteur du village œuvrant pour une cause commune. Une cause que certains esprits chagrins estimaient perdue dès le départ. Taurines a prouvé que la solidarité et le bénévolat pouvaient défier le temps. Belle leçon de courage et de ténacité. Le fort courant de sympathies et de collaborations, né de puis 1981, permettra au château d’accéder au troisième millénaire avec le même éclat qu’il n’entra dans la Renaissance.

Auteur
Daniel Crozes